Le tricot de tante Évelyne par André Lavoie
Je transpose ci-dessous ce joli texte de mon ami André Lavoie pour qui le tricotage de mots est vital pour de sortir d'une vie confinée par ses maladies.
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LE TRICOT DE TANTE EVELYNE
Vous auriez aimé tante Évelyne. Son mari, oncle Alphonse, était maraîcher. Il vendait ses légumes d'un bout à l'autre du village avec sa petite camionnette. Tante Évelyne s'occupait de la maisonnée et des animaux de la ferme, les vaches, les cochons, les dindes, les poules, les lapins...
Ceux deux là ont travaillé d’arrache-pied et d'arrache-plantes pour vivre de la terre. Sur ses vieux jours comme on dit chez-nous, tante Évelyne ne faisait plus qu'un brin de popote et de ménage. Ne pouvant supporter l'idée de se tourner les pouces le restant de la journée, elle tricotait, tricotait, tricotait... Avec sa corpulence et ses problèmes de santé, la vie aurait pu peser à tante Évelyne. Pas une miette.
Dès qu'elle avait ses aiguilles à tricoter en mains, tout s'allégeait et la ronde tricoteuse donnait l'impression d'être aussi fine que ses aiguilles. Elle nous disait en souriant: ''Quand la vieillesse nous donne du fil à retordre, il faut voir le beau coté de la chose et en profiter pour tricoter''.
Le vieux couple Alphonse et Évelyne aimantait l'amour. Leur maison ne désemplissait pas. Dans la grande cuisine, il y avait cinq ou six chaises berçantes prêtes à accueillir les visiteurs du soir. Tante Évelyne tricotait pour tous ces visiteurs. Un chandail pour Gilbert. Une tuque pour Line. Des bas pour Jean-Eudes. Des mitaines et un foulard pour Laurence.
En repensant au tricot de tante Évelyne, je me dis que si la vieillesse me donne aujourd'hui du fil à retordre je dois en profiter et tricoter de petites textes pour emmitoufler le cœur de mes importantes et de mes importants.
Moi qui éreinte le pèse-personne, je me sens aussi léger qu'un vers de Verlaine quand j'ai les mains sur le clavier. Cette légèreté je vous la dois à vous avec qui je partage mes tricots de mots, à vous qui m'empêchez de filer un mauvais coton en me redonnant régulièrement de l'haleine.
André qui sans vous, soyons franc, s'ennuierait un brin en se tournant les pouces.